Coqs, cloches, lisier... Un texte de loi pour limiter les conflits d'usage dans les campagnes
C’est un texte important pour les élus ruraux, dont certains se voient confrontés à des plaintes portées par de nouveaux habitants, souvent venus des villes, qui ne supportent pas les nuisances sonores ou olfactives. Un certain nombre d’affaires de ce type ont été jugées ces dernières années : celle du fameux coq Maurice, sur l’île d’Oléron, mais aussi des conflits liés aux cloches, au bruit des tracteurs, aux odeurs de lisier ou à celles émanant des porcheries, voire aux déjections d’abeilles ou au chant des cigales !
Sollicitations croissantes
Les sénateurs, lors de la dernière phase de l’examen du texte, ont souligné que le confinement, avec l’installation d’un certain nombre d’urbains dans leurs résidences secondaires pour plusieurs semaines ou plusieurs mois, a amené une multiplication de ce type de conflits. Et que l’actuel mouvement – relatif mais bien réel – « d’exode urbain », en particulier grâce aux nouvelles possibilités qu’offre le télétravail, ne va pas arranger les choses.
Dans son rapport sur le texte, le sénateur Pierre-Antoine Levi (UC, Tarn-et-Garonne) souligne toutefois que ces conflits restent « marginaux » : les litiges constatés dans les territoires ruraux sont bien plus souvent liés à des questions d’infrastructures (tracé d’une route…), de conflit d’usage des sols, de qualité de l’eau. Néanmoins, le sénateur constate « un sentiment de sollicitation croissante chez les élus », nécessitant, même si la plupart de ces conflits ne vont pas jusqu’au tribunal, « une mobilisation et un investissement chronophages » pour les maires. Pendant le débat en séance publique, hier, le sénateur de l’Hérault Christian Bilhac, ancien président des maires du département, a rappelé qu’il a lui-même été « traîné au tribunal pour la sonnerie des cloches de (sa) commune de Péret ».
Patrimoine commun
Le texte adopté, constitué de trois courts articles, va modifier le Code de l’environnement pour intégrer à la notion de « patrimoine commun de la nation » les sons et les odeurs de la campagne. Jusqu’à maintenant, l’article L110-1 de ce Code incluait dans ce patrimoine commun de la nation « les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins ». Le texte adopté hier ajoute : « les sons et les odeurs qui les caractérisent ».
Dès lors que ces sons et odeurs sont considérés comme faisant partie du patrimoine commun de la nation, il deviendra nettement plus périlleux de chercher à en attaquer les responsables devant la justice.
Par ailleurs, le texte confie aux services régionaux de l’inventaire du patrimoine culturel la mission de dresser l’inventaire de ces bruits et odeurs, et plus généralement de « l’identité culturelle des territoires », qui pourra « concourir à l’élaboration des documents d’urbanisme ».
Enfin, l’article 3 du texte impose au gouvernement d’élaborer dans les six mois suivant la promulgation de la loi « un rapport examinant la possibilité d’introduire dans le code civil le principe de la responsabilité de celui qui cause à autrui un trouble anormal de voisinage ». Le texte qui a été voté n’empêche pas, en effet, une personne d’attaquer un voisin pour trouble anormal du voisinage, comme Pierre Morel-À-L’Huissier lui-même l’avait rappelé en déposant son texte, insistant sur la différence qui existe entre le chant d’un coq, qui peut être considéré comme faisant partie du « patrimoine naturel », et l’usage d’une « tondeuse à gazon à 7 heures du matin », manifestant une volonté de nuire.
F.L.
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